Un livre à ne pas mettre entre toutes les mains.
Rarement cette formule consacrée, éculée par pléthore de blogueurs/blogueuses qui l'utilisent dès que perlent trois gouttes de sang et deux gouttes de foutre, n'aura autant méritée d'être employée. A mon sens, ce bouquin écrit dans les années 70 ne pourrait être publié aujourd'hui sans déclencher des torrents d'indignation, un appel à la censure, ou à tout le moins susciter une de ces polémiques que les gardiens de la bonne morale aiment à lancer une fois par semaine.
Nous sommes dans l'Amérique des années 30-40, pendant que la grande dépression affame, fauche, jette un voile d'austérité - le mot poli pour éviter de parler de "misère" - sur ce grand pays. Le petit Jack grandit chez ses grands-parents maternels, de braves gens pauvres comme Job (celui de la bible, pas le geek millionnaire), mais d'une probité exemplaire, tellement qui ne voleraient pas un radis. Jack a froid, il a faim, il n'a qu'un seul vêtement, mais il ne manque pas d'une certaine forme d'amour. Dès les premières pages, c'est criant de vérité, à se demander si cette histoire n'est pas celle de l'auteur, impression qui reviendra souvent. Certains personnages ne font par exemple qu'une apparition éclair, avant de disparaître de la vie du petit garçon. Et certaines anecdotes sont tellement banales qu'elles ne mériteraient presque pas d'être racontées. Comme dans la vraie vie, quoi.
C'est quand la mère de Jack se met en tête de le récupérer que la spirale du glauque se met véritablement à tourner. Jusqu'ici, c'était pas jojo, mais il y avait quand même des éclaircies. Car voyez-vous, Jack n'est pas qu'une victime de la société cruelle, brutale et capitaliste. Il a aussi ses démons. Le seul but du gamin, sa seule passion, son objectif de vie alors qu'il n'a pas encore dix ans, c'est de baiser sa jolie maman. D'abord de lui boulotter les seins, puis de lui enfoncer les doigts dans la chatte, puis ensuite de lui mettre son petit kiki par où il est sorti d'une seule pièce.
Accablé de misère et de violence, jamais Jack ne se détournera de cet objectif, et l'essentiel du bouquin tourne autour de cette relation incestueuse et de cette question : Jack parviendra-t-il à ses fins ? Fera-t-il reluire sa daronne ? (spoiler : oui)
On ne va pas se mentir : la fibre voyeuriste du lecteur est exaltée, page après page. C'est un monde sans pitié, violent, sale, triste, que nous décrit Earl Thomson. Parfois, un personnage meilleur que tous les salauds qui peuplent ce bouquin croise le chemin de Jack et de Wilma, sa mère, mais ça ne dure jamais longtemps ; il ne faudrait pas qu'il y ait trop de touches de blanc dans ce livre d'un noir vantablack. Il manquerait plus qu'on l'accuse d'optimisme.
Peut-être plus qu'à Bukowski ou Fante, auxquels l'auteur peut s'apparenter, c'est à Zola que j'ai pensé en lisant ce bouquin. J'y ai retrouvé la même volonté de plonger au plus sombre de l'âme humaine, la même misanthropie, le même désespoir. Peut-être même cet élégant misérabilisme et ce côté racoleur.
Au niveau purement littéraire, Un jardin de sable est plutôt bien pourvu, bien que les fulgurances stylistiques y soient rares. C'est une écriture solide, précise, vivante, mais qui ne cherche jamais à en mettre plein la vue. Earl Thomson était un raconteur. J'ai tout de même fini par être indisposé par des gimmicks tels que "on vit ceci" ou "on entendit cela". Rien de fâcheux, tant est puissant le désir de savoir jusqu'à quel niveau de dégueulasserie descendront les personnages de ce grand roman cynique et désabusé.
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