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Trois urbexers français et deux chasseurs de fantômes belges se donnent rendez-vous dans une forêt vosgienne. Objectif : explorer Rochelle, un village abandonné depuis trente ans et dont l'histoire est émaillée de tueries. [L’exploration urbaine, abrégé urbex (de l'anglais urban exploration), est une activité consistant à visiter des lieux construits par l'homme, abandonnés ou non, en général interdits, ou tout du moins cachés ou difficiles d'accès.]

La camionnette s'engagea sur un chemin vicinal et se mit à tanguer dans les fondrières creusées par les tracteurs et autres engins agricoles. Pays de bouseux consanguins... Cette fois, c'était trop pour le beauceron qui signala bruyamment son mécontentement.

« Ferme-la, Museau ! aboya Chris à son tour. Con de clebs...

– Je vois pas pourquoi tu veux toujours l'emmener en explo, dit Cornélius à voix haute, maintenant qu'il était sûr que Rachel ne dormait pas.

– Parce qu'il nous a déjà sauvé les miches. Souviens-toi de ce clodo, avec son tesson de bouteille. Si Museau lui avait pas chopé le bras, ça aurait pu mal se terminer.

– Pas faux. D'autant qu'on était aussi d'équerre que lui.

– Tiens, d'ailleurs on est presque arrivés. Tu nous en roules un chacun ? Le matos est dans la boîte à gants.

– Vos désirs sont des ordres, Votre Altesse Sérénissime. J'en fais un aussi pour la dame ?

– Fais-lui en deux.

– Ouais, une vorace... J'adore... »

Rachel serra les dents. La pénombre descendit par les lucarnes des portes arrières. Ils devaient s'être engagés dans la vaste forêt dont avait parlé Cornélius la veille, pendant qu'ils briefaient l'opération en tisant et brûlant joint sur joint. Rachel consulta son portable et ne fut pas surprise de ne capter aucun réseau, pas même de signal d'appel d'urgence. Le suppositoire de métal s'enfonçait droit dans un des trous de balle du monde. Il était midi et la jeune femme commençait à avoir faim. Elle espérait qu'un des larrons avait pensé à emmener de quoi tortorer, n'importe quoi pour museler son estomac.

Les premiers temps, l'appétit de Rachel sidérait Chris. Elle lui coûtait aussi cher en bouffe qu'en bière et en beuh. Comment une aussi frêle créature pouvait-elle ingurgiter autant de nourriture sans prendre un seul gramme ? Sans être maigre, Rachel était mince, bien dessinée, et ses abdominaux saillaient sous les deux petites poires qui figuraient ses seins. La vérité était que l'organisme de la jeune femme était ainsi fait. Un tube. Il assimilait les nutriments nécessaires à son fonctionnement et rejetait le reste. Rachel chiait des étrons si volumineux qu'il lui semblait accoucher chaque fois qu'elle les expulsait.

Elle ne comptait plus les fois où elle avait bouché les chiottes et les situations embarrassantes dans lesquelles son transit exceptionnel l'avait mise. Elle avait sa petite méthode, maintenant, pour éviter que cela n'arrive. Une sagesse digne de Salomon. Quand elle avait déroulé une bonne longueur d'étron, elle serrait le sphincter de l'anus, afin de le laisser tomber dans la cuvette, et tirait la chasse d'eau. Puis elle excrétait le reste. Le colombin, cisaillé en deux ou trois parties, partait bien plus vite rejoindre ses ancêtres dans les profondeurs des égouts.

La camionnette s'arrêta dans un grand bringuebalement de tôle. « Rachel, on est arrivés ! » cria Christophe en claquant sa portière. Ils descendirent tous du vieux J5 blanc constellé de points de rouille. Une voûte de verdure crevée par une lézarde de ciel bleu se déployait au-dessus d'eux. Le sous-bois avait l'air dense, défendu par d'impénétrables ronces, et une suave odeur de champignons et de matière végétale en décomposition rampait sur le sol argileux. Un doux parfum de mort. Chris mit sa laisse au molosse et l'attacha au pare-choc. S'ils croisaient quelqu'un d'agressif, Museau n'hésiterait pas à lui sauter à la gorge et à lui arracher la glotte ; or le clébard devait rester une arme de dissuasion, et pas une grenade dégoupillée qui pouvait sauter à la gueule du premier venu.

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