top of page
  • Photo du rédacteurFrédéric Soulier

Un extrait de Con comme la lune

Bonjour, etc. Le savais-tu ? Si on mettait bout à bout tous les lecteurs ayant lu mes bouquins sans déposer de commentaire sur amazon, babelio, ou les réseaux chaudchauds, on couvrirait une distance allant de la Terre à Jupiter (calcul scientifique fait par le petit Kevin, huit ans).


Laisse-moi partager avec toi (et non pas "te partager" comme je le lis trop souvent) un extrait de mon petit dernier, Con comme la lune.

************************************************************

Tandis que Joe et elle déployaient les instruments de mesure scientifiques que TSI avait accepté de charger sur la fusée, Besace tira un sac du même compartiment. Il le posa sur le sol et fit glisser la fermeture éclair. Il en sortit une balle et une batte de base-ball.

« Eh, les amis ! Vous savez ce que fait un Américain quand il va sur la lune ? Il joue au base-ball ! Colonel Pansharit, j'ai besoin d'un lanceur, venez je vous prie. »

Personne n'avait prévenu Yanis de cette fantaisie, mais cela ne l'étonna guère de la part du milliardaire. Le public se fichait bien de savoir à quoi servaient les instruments de mesure qu'ils disposaient à bonne distance du module lunaire. En revanche, n'importe quel crétin connaissait ces deux objets.

« Je n'ai pas le temps, monsieur Besace. Nous avons du travail.

– C'est ça, votre travail. Allez, laissez tomber ce... truc... C'est quoi, un moule à gaufre ? Venez jouer au base-ball avec papa ! »

Yanis posa délicatement le spectromètre de vent solaire qu'elle aurait difficilement soulevé seule s'ils s'étaient trouvés sur Terre. Bon, après tout, Alan Shepard avait joué au golf lors de la mission Apollo 14, et ce n'était certainement pas son idée. Elle pouvait sacrifier un peu de science au profit du divertissement de masse.

Besace lui colla la balle de base-ball entre les mains. Un nom illisible avait été gribouillé au stylo indélébile sur le cuir.

« Edgar Martinez m'a dédicacé cette balle et cette batte en 2011, alors que je n'avais pas encore fait mon premier million », fit Besace à l'attention des spectateurs en saisissant le casque de Pansharit à deux mains.

Une caméra fixée sur chacun des scaphandres permettait aux quelques milliards de personnes rivées à leur écran de ne rien manquer de leur extraordinaire excursion.

« Pourquoi vous ne demandez pas à Connelly ? demanda Yanis en se dégageant. Je n'ai jamais joué au base-ball.

– Si on avait joué au basket, oui, je le lui aurais demandé, mais le base-ball c'est plutôt un sport de Blancs et de latinos. Bon, on n'a pas de chicano sous la main, mais vous ferez une Mexicaine convenable.

– N'importe quoi... Le nombre d’imbécillités que vous pouvez débiter à la minute est impressionnant. Ça vous vient naturellement ?

– Fermez-la, Pansharit, et reculez. Encore... Encore... »

La jeune femme s’exécuta jusqu'à être éloignée d'une dizaine de mètres du milliardaire. Progresser en marche arrière s'avéra plus difficile qu'elle ne l'avait cru. Elle n'avait aucune visibilité. Il manquait à ces fichus scaphandres des rétroviseurs... Elle s'attendait presque à rencontrer le bord d'une falaise et à tomber au ralenti comme dans un dessin animé de Tex Avery.

« Là, bougez plus ! Tenez la balle entre votre pouce, votre index et votre majeur. Faites-moi un beau lancer, le coude au niveau de l'épaule, la main un peu au-dessus de votre tête. Avec un peu de chance, on fera des statuettes collector de Yanis Pansharit en train de lancer. »

Pansharit était une sportive, mais elle n'avait jamais été douée pour les sports de balle. Elle était capable de courir un ultra-trail de cent vingt kilomètres, elle avait gravi le mont McKinley, le mont Blanc, le mont Saint-Élie et une dizaine d'autres sommets de plus de cinq mille mètres, mais elle ne savait pas renvoyer correctement une balle au tennis ou marquer un but depuis le point de penalty. C'était comme si ses mains et ses pieds avaient été affublés d'angles bizarres.

Besace empoigna solidement le bâton de bois et se mit en position comme il le pouvait, gêné par l'équipement qu'il portait sur le dos. Yanis soupira si fort que son souffle gronda comme une tempête jupitérienne dans le casque de ses compagnons. Elle arma son bras gauche, comme Besace le lui avait conseillé, et décocha son tir. La balle de cuir fila bien plus vite qu'elle ne le voulait. Elle n'aurait pas dû s'en étonner. La lune étant dépourvue d'atmosphère, seule sa faible gravité influait sur la trajectoire d'un objet. Le projectile passa à près de deux mètres au-dessus de Besace et retomba à plus de trente mètres derrière lui.

« Woah ! Moi qui voulais faire un home run et renvoyer cette balle à Edgar Martinez, c'est raté. On dirait que les femmes ne sont pas encore les égales des hommes dans tous les domaines, les amis. »

Il ajouta, juste pour la jeune femme :

« Bordel de chiotte, qu'est-ce que c'était que ce lancer, Pansharit ?

– C'est vous qui avez insisté, monsieur Bi-za-ché !

– Vous êtes censée être notre pilote et avoir des notions de trajectoire parabolique et ce genre de conneries. J'espère que l'IA du vaisseau va continuer d'assurer et qu'on n'aura pas à se reposer sur vos "talents", ou on risque de se retrouver dans une merde noire. (Puis, retrouvant son entrain habituel :) J'ai changé d'avis : Joe, mon pote, venez jouer un peu avec votre patron.

– J'arrive », dit l'autre en trottinant, engoncé dans une combinaison spatiale qui paraissait un peu trop petite pour lui.

Yanis se disait bien qu'il avait pris pas mal de poids en quelques semaines. Depuis que les suspicions de violences avaient fuité dans la presse. Un astronaute ne pouvait pas se permettre de compenser par l'alcool ou des stupéfiants, il se serait fait recaler dans la semaine. En revanche il pouvait tout à fait se venger sur les sucreries.

« Regardez-le rappliquer comme un brave toutou à la voix de son maître, grommela-t-elle.

– Quoi ? fit Connelly. Qu'est-ce que t'as dit ?

– Laisse tomber. Amusez-vous bien. Moi j'ai du boulot. »

Cependant qu'elle déployait les instruments autour du site d'alunissage, Yanis ne pouvait s'empêcher de lorgner les deux hommes en pleine démonstration de virilité. Elle gageait d'ailleurs que si une Mer de la Virilité avait existé, le milliardaire aurait insisté pour s'y poser.




11 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page