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  • Photo du rédacteurFrédéric Soulier

Sur les traces d'Oghyanouss, d'Afsaneh RM

L'auteure est d'origine iranienne, et le français n'est donc pas sa langue maternelle. C'est peut-être pour ça que j'ai été autant déstabilisé par son écriture que je qualifierai d'amphigourique. Elle a la manière de faire des phrases compliquées pour parler de choses simples.

"Sétareh obtint de la vie des libertés secrètes, et moi une raison d'être. Le temps déposa ses lourdes valises sur les épaules des humains qui s'en inquiétaient et s'éloigna de moi."

Ouch, ça pique... Ou encore : "Elle était si laide, affirmait-on, qu'aucune mère n'acceptait d'en tomber amoureuse par procuration pour son fils."

C'est mal dit, je trouve. A ce stade, tu penses sans doute que je vais descendre le bouquin en flèche, mais ce serait sans compter sur le fond et l'atmosphère qui tapissent ces 260 pages. Il s'agit d'une ode vibrante à la liberté, qui permet à l'auteure d'écrire quelques passages magnifiques sur la condition de femme en Iran pré-révolution et la religion (bien que la charge contre l'Islamisme ne soit jamais vraiment violente) :

"En quoi avait consisté le plaisir de maman ? Était-ce du chagrin de nous avoir perdus, papa et moi, qu'elle est morte si jeune ? A quel moment de sa vie avait-elle été heureuse ? Pourquoi lire le seul livre de la vie et de la mort, quand on peut lire Khayyâm et Saadi ? Pourquoi céder aux cris d'un Mohsen-Ali, quand on peut écouter le Printemps de Vivaldi ?"

Ou encore, dans un dialogue :

"- Mais diable, qu'est-ce que tu racontes ? -Vous n'êtes pas libres. -Libres ?! Comment a-t-elle appris ce mot ?! demanda maman à sa tante chérie. Ce n'est pas écrit dans ses leçons que je sache !"

Il serait peut-être temps de te dire de quoi ça parle. Nous suivons une fillette, bijou de son père, doux fumeur de Narguilé soumis à sa femme et à la tante de celle-ci. Les deux "femmes de la vie" de la gamine tentent de lui inculquer un strict enseignement religieux, tandis que le père tente mollement de les en empêcher. Mais la fillette se révélera indomptable, préférant la nudité au tchador. Comme dans Le tambour, le cri sera manière de signifier son désaccord avec le monde qui l'étouffe. Hélas, tout le monde s'évertuera à modeler son destin. Jusqu'au dernier quart du livre, où Darya commence enfin à vivre, on a du mal à situer l'action dans une temporalité. Les personnages semblent toujours en train de se crier dessus et à agir de manière absurde, comme dans un bouquin de Dostoïevski (enfin moi, ça m'a toujours fait cet effet-là). Il y a aussi un parfum de Mille et une nuit très agréable. Sur les traces d'Oghyanouss est en effet une sorte de conte moderne.

Pour résumer, j'ai totalement adhéré à l'histoire, même si j'aurais préféré que l'auteure nous en dise un peu plus sur la culture iranienne, qu'on survole un peu trop, mais le style m'est apparu assez pénible par moments. Je recommande tout de même pour sa forte originalité.


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