Il est très rare que je relise un livre. Ça a du m'arriver, à tout casser, une quinzaine de fois dans ma carrière de lecteur. Parmi elles, je peux citer des oeuvres aussi hétéroclites que Rituel de chair, L'assommoir, La horde du Contrevent, La paix éternelle...
J'avais gardé d'A poil en civil un souvenir impérissable, et j'ai ressenti en le redécouvrant exactement les mêmes sensations que la première fois. C'est à dire essentiellement une forte et durable contraction des zygomatiques.
Voilà le pitch, et si après tu n'as pas envie de lire ce polar burné, si tu n'as pas la face qui s'élargit d'un sourire dès les premières pages, c'est que tu es mort à l'intérieur et que ton sens de l'humour est aussi plat que celui d'un lecteur de Laurent Gounelle.
On suit donc l'itinéraire trash d'une paire de têtes à crack, dont l'un est un sosie noir de Dean Martin. Les deux larrons cherchent à récupérer la photo compromettante des couilles de Georges Bush sur lesquelles le président de la superpuissance a dessiné un visage lunaire et souriant au marqueur, afin d'en tirer quelque blé. Leurs projets seront contrecarrés par un flic un peu toxicomane, au chibre éléphantesque, et par une femme fatale qui a mis du verre pilé et de la soude caustique dans les céréales Lucky Charms de son mari.
C'est un roman puissamment déjanté et irrévérencieux, ce que L'Amérique fait de meilleur dans le genre après South Park, et c'est un des seuls romans qui m'ait faire rire à gorge-tu-sais-quoi ? Déployée. Le duo formé par les deux voyous fonctionne parfaitement, et en même temps, le personnage de Tony Zank, complètement taré et défoncé, devient de plus en plus violent et malsain au fil des pages, jusqu'à atteindre un stade de figure de monstre à visage humain dans un final grand-guignolesque.
Il y a une punchline toutes les trois lignes, et il faut noter la qualité de la traduction qui n'enlève rien à leur puissance comique. J'ai souvent lu de la part de ménagères lobotomisées que la rumeur courait que la série du Bourbon Kid avait été écrit par Quentin Tarantino. Je n'ai jamais rien d'aussi absurde tant Tarantino aurait été incapable d'écrire quelque chose d'aussi médiocre. En revanche, si A poil en civil n'avait pas été signé Jerry Stahl, on aurait bien pu croire que QT avait écrit ce livre.
Laisse donc tomber le bouquin que tu te forces à lire et empare-toi par tous les moyens de ce petit bijou politiquement incorrect qui a dû en faire grincer des râteliers...